Totalement absorbée par la lecture de mon livre, je daigne lever les yeux lorsqu’une voix masculine m’aborde en ces termes :  « Personnellement, j’ai préféré le livre de Nadine de Rothschild ! »

En face de moi, dans le RER, un type à lunettes d’un certain age m’observe avec entre les mains le sésame du savoir-vivre et des bonnes manières que je potasse assidûment depuis quelques jours. Tiens, tiens !!

« Vous savez, si j’étais vous j’aurais tout de même un peu plus de respect et d’égard pour ce livre, quand bien même ce n’est pas la crème de ce qui ce fait !» dit-il d’un ton guilleret, tout content de son trait d’humour qui n’en est pas un.

Et d’abord s’il ne lui plait pas ce bouquin pourquoi il ne lit pas autre chose !!!

Je jette un œil à mon exemplaire en piètre état. Certaines pages sont volontairement cornées, c’est mon truc à moi pour pouvoir les compulser rapidement. La tranche du livre est complètement cassée à force de l’avoir ouvert et écrasée pour pouvoir surligner les passages fondamentaux au crayon. C’est vrai que je pourrais être plus soigneuse mais c’est avant tout un outil de travail pour mon prochain article, ce que ce personnage déplaisant et pédant ne mérite pas de savoir.

 Il ne semble pas découragé par mon regard interrogateur, mon froncement de sourcil qui l’incite à laisser tomber … et revient à la charge, une fraction de seconde avant que je me replonge dans mon ouvrage.

 « Personnellement j’ai a-do-ré le chapitre consacré à la famille et en particulier comment vivre avec sa belle-mère. C’est incontournable et si vrai. Ca devrait être la bible de tout un chacun ! Je pense que ça éviterait bien des impairs. »

 Je répond par un « hum, hum » négligé pour lui faire comprendre qu’il perd son temps.

 « Ma question va vous paraître sans doute indiscrète mais ce livre, qu’est ce qui vous a fait le choisir ? »

 « J’avais envie de pouvoir décliner les propositions ou les conversations en toute courtoisie. » et fière de moi, je lui décoche mon sourire le plus sournois et faux-cul à la fois.

 « Hum, je comprend ! Moi ça me fut fort utile pour gérer mes relations avec les proches et notamment mes relations sentimentales. Vous verrez il y a un chapitre intitulé : recette pour vivre heureuse avec son mari et son amant. Je vous le recommande chaleureusement !  » et il me lance un clin d’oeil appuyé, clairement racoleur.

 Mon dieu, comment m’en débarrasser ?!!! Je guette les stations à venir, encore 3 arrêts avant le mien !!

 « Vous savez il faut savoir vivre avec son temps. Les époques changent et les mœurs aussi…. »

 Il en faut peu pour qu’il me sorte le sempiternel « de mon temps » …

« A mon époque, la concupiscence n’était pas mise en devanture à tous les coins de rue. C’était quelque chose de tabou qui restait confidentiel. Maintenant l’incitation est partout !! Alors moi aussi je m’adapte et je me fond dans la société comme un caméléon ! »

 Un caméléon libidineux oui !! Il m’envisage de manière appuyée. J’ai l’impression désagréable d’être une charlotte aux fraises sur le point d’être croquée par un glouton endimanché !!

« Et le guide du parfait gentleman, vous l’avez lu ? Question recommandation, je vous conseille le chapitre sur comment se comporter avec les femmes ! » lui répliquais-je sèchement.

« Mais quelle pimbêche mal embouchée ! Vous parliez de courtoisie à l’instant mais ce mot vous est totalement étranger. Ayez un peu plus d’égard pour les gens qui vous abordent et sachez vous amuser bon sang ! Le vie est un jeu et discuter avec les autres, un divertissement avant tout ! »

 Et sur ces mots il se lève me laissant seule avec mon désarroi et mon aigreur mal placée.

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